Les textes

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La Sainte Baume et la Tradition
Par Madame Régine Pernoud * (1909-1998)

   « Ayant eu la chance de voyager assez longuement dans les cinq continents, de passer même une trop courte journée à travers les splendeurs du Grand Canyon du Colorado, et de pouvoir admirer de près les pentes du Fuji-yama, je puis dire qu’il y a un endroit que je ne reverrai jamais sans surprise et sans émerveillement, c’est la Sainte Baume. Elle avait été l’étonnement de mon enfance, mais je me rends mieux compte à présent combien cet étonnement était justifié. J’y ai conduit, voici deux ans, un groupe de japonais qui y ont épuisé les ressources de leurs camescopes: ayant revu certains d’entre eux ces jours-ci, ils m’ont reparlé de la Sainte Baume, des oiseaux dans les arbres sur le chemin, des recoins de la grotte, de la Provence à leurs pieds du haut de la terrasse: des souvenirs qui n’en finissaient plus….

St Baume

Un ensemble unique, la Sainte Baume. Il y a la forêt, unique reste en France de la forêt celtique qui couvrait une forte partie de notre pays, avec des essences qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Jules César, juste avant notre ère, les révolutionnaires Barras et Fréron, en 1793, ont vainement tenté de l’anéantir par le feu: l’incendie n’a que tout juste égratigné les bords. Il y a cette immense, incomparable falaise: une montagne à pic, posée tout droit, avec juste le recoin de la grotte, et là-bas, tout en haut, la chapelle du Saint-Pilon, minuscule et inaccessible. Et dans la grotte, les recoins à explorer, les richesses d’un passé qu’on réveille peu à peu, éclairées par l’inscription-témoin laissée par André Chouraqui: « Ma colombe au creux des rochers… ».
Ils sont quelques-uns, théologiens en mal d’écriture, journalistes en mal de papier, à s’épuiser périodiquement pour tenter de « prouver, références à l’appui, que Marie-Madeleine, celle qu’on appelait au Moyen-Age « l’Apôtre des Apôtres », ne pouvait pas, n’avait pas pu venir en Provence et finir ses jours à la grotte, dans cette contemplation mystique si bien symbolisée par les anges élevant sept fois le jour son âme au Saint-Pilon. Et pourtant, que Massalia la grecque, avant même Arles la romaine, ait été la porte ouverte aux évangélisateurs de la fin du premier siècle n’offre rien d’étonnant. Que les documents écrits qui nous ont transmis les récits soient tardifs, quoi de plus naturel? Connaît-on beaucoup d’écrits des premiers siècles, en dehors des éblouissantes, et très récentes, découvertes de Qumran? D’un auteur aussi fameux que le fut Sulpice Sévère, qui vivait au IVe siècle, le manuscrit le plus ancien date de deux cents ans plus tard, VIe siècle. La plupart des auteurs antiques d’ailleurs, Cicéron lui-même, ne nous sont parvenus qu’à travers des manuscrits des XIe-XIIe siècles.
Certes, tout érudit de notre temps connaît les soucis d’hypercritique qui ont été ceux de de notre XXe siècle commençant, et les interminables discussions d’origines et les doutes méthodiques auxquelles elles ont donné lieu. Mais cela aussi est dépassé lorsqu’on s’intéresse aux traditions orales, seules valables en ce qui concerne le plus lointain passé, et suspectes surtout quand elles ont été trop tôt mises par écrit, car elles ont alors odeur de revendication. Que seules des traditions orales établissent la venue en Provence de Marie-Madeleine et de Marthe et de leur entourage, rien d’étonnant. Et que le tradition n’ait été rapportée par écrit qu’au IXe siècle, rien que de très naturel: cela prouve surtout que la tradition n’était pas discutée….
Les sarcophages paléochrétiens découverts à Saint-Maximin, les acquisitions de l’archéologie, là comme ailleurs, confirment les plus anciennes traditions orales. Et l’on comprend que des personnalités comme celles de Lacordaire ou, plus près de nous, un Charles de Foucauld aient pu être bouleversées par leur séjour à la Sainte-Baume: Il y a dans cette grotte aux recoins impénétrables une présence qui ne peut qu’échapper à ceux qui, attentifs comme on peut l’être en notre temps aux ressources de l’écrit, demeurent insensibles aux traditions: celles qui en d’autres siècles, ont imprégné la ferveur populaire, laquelle, à notre époque, ne demande qu’à renaître. »


Texte extrait de la « Lettre de la Sainte-Baume »
n° 41    Septembre 1996.

* Ecrivain catholique et historien médiéviste, Conservateur aux Archives de France, qui fut membre d’honneur de notre association.

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Réponse au discours de réception de Louis Duchesne

Réponse de M. Étienne LAMY au discours de Mgr DUCHESNE
Discours prononcé dans la séance publique du Palais de l’Institut
le jeudi 26 janvier1911

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