Ancienne « VIE » de Sainte Marie-Madeleine
La plus ancienne que nous connaissons
Ve ou VIe siècle
(Elle est considérée comme étant vraisemblablement ce qui nous reste des « Actes de Saint Maximin » disparus.)
« Après la gloire de la résurrection du Seigneur, le triomphe de son ascension et la mission de l’Esprit-Saint qui remplit le cœur des disciples encore tremblants par la crainte des maux temporels, et leur donna la science de toutes les langues, ceux qui croyaient étaient tous avec les saintes femmes et avec Marie, mère de Jésus, comme le raconte Luc l’évangéliste. La parole de Dieu se répandait et le nombre des fidèles croissait tous les jours, en sorte que, par la prédication des apôtres, plusieurs milliers de personnes obéissaient à la parole de la foi et se dépouillaient de leurs biens; car personne parmi eux n’avaient rien en propre, mais tous leurs biens étaient en commun, ayant entre eux un même cœur et une même âme. Les prêtres des juifs, avec les pharisiens et les scribes, enflammés donc du feu de la jalousie, excitèrent la persécution dans l’Eglise, mirent à mort Etienne, le premier martyr, et chassèrent loin de la Judée presque tous les autres témoins de Jésus-Christ.
Pendant que la tempête de cette persécution exerçait ses ravages, les fidèles qu’elle avait dispersés se rendirent dans divers lieux du monde que le Seigneur leur avait assigné à chacun, annonçant la parole du salut aux gentils. Avec les apôtres était alors le bienheureux Maximin, l’un des soixante-douze disciples, personnage recommandable par l’intégrité parfaite de ses mœurs, et illustre par sa doctrine et par le don d’opérer des miracles. Sainte Marie-Madeleine, qui demeurait dans la compagnie de saint Maximin, comme la bienheureuse Marie, toujours vierge en celle de Saint Jean l’Evangéliste à qui le Seigneur l’avait confiée, s’abandonna à la sollicitude religieuse de ce saint disciple. C’est pourquoi, dans cette dispersion, sainte Madeleine s’étant associée à lui, ils se rendirent jusqu’à la mer, et montant sur un vaisseau, ils arrivèrent heureusement à Marseille. Là, ayant mis pied à terre, ils allèrent, par l’inspiration du Seigneur, dans le comté d’Aix, distribuant abondamment à tous la semence de la parole divine, et s’efforçant nuit et jour, par leurs prédications, leurs jeûnes et leurs prières d’attirer à la connaissance et au culte de Dieu tout puissant le peuple de cette contrée qui était incrédule et non encore régénéré par l’eau du baptême. Le confesseur et pontife Saint Maximin gouverna longtemps l’Eglise d’Aix, vaquant assidûment à la prédication, chassant les démons, ressuscitant des morts, rendant la vue à des aveugles, redressant des boiteux, et guérissant de toutes sortes de maladies.
Or le temps où Sainte Marie-Madeleine devait être délivrée de la prison de son corps approchant, elle vit Jésus-Christ au service duquel elle s’était vouée si parfaitement, qui l’appelait par sa miséricorde à la gloire du royaume céleste, afin de donner à jamais l’aliment de la vie céleste à celle qui lui avait fidèlement fourni à lui-même le soutien de la vie temporelle, lorsque il avait paru sous les dehors de l’humanité. Elle mourut le onzième jour avant les calendes d’août, les anges se réjouissant de ce qu’elle était associée aux Vertus des cieux, et de ce qu’elle avait été trouvée digne de jouir de la splendeur de la gloire, et de voir le Roi des siècles dans sa beauté. Saint Maximin, prenant son très saint corps, l’embauma de divers aromates et le plaça dans un honorable mausolée, et éleva sur ses bienheureux membres une basilique d’une belle architecture. On montre son sépulcre, qui est de marbre blanc, et on y voit représenté en sculpture comment , étant venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, elle mérita le pardon de ses péchés, et aussi l’office de piété qu’elle rendit au Sauveur pour sa sépulture.
« …Enfin, le bienheureux évêque Maximin, voyant approcher le temps auquel l’Esprit-Saint lui avait fait connaître, par révélation, qu’il devait être enlevé de ce monde pour recevoir de la bonté du souverain juge la récompense de ses travaux, ordonna qu’on préparât le lieu de sa sépulture dans la basilique dont on a parlé, et qu’on plaçât son sarcophage auprès du corps de Marie-Madeleine. En effet, après sa sainte mort, il y fut inhumé avec honneur par les fidèles, et l’un et l’autre illustrent ce lieu par des miracles insignes, opérés par leur intercession en faveur de ceux qui les invoquent pour le bien de leur âme ou de leur corps. Ce lieu est devenu avec le temps si sacré, qu’aucun roi, prince ou autre, si distingué qu’il soit par la pompe du siècle, n’oserait entrer dans leur église pour y solliciter quelque grâce, sans avoir auparavant quitté ses armes, sans s’être dépouillé de tous les sentiments de férocité brutale, et sans y faire paraître toute sorte de marques d’une humble dévotion. Jamais aucune femme, de quelque condition, rang, ou dignité qu’elle fût, n’a eu la témérité d’entrer dans ce très saint temple. Ce monastère s’appelle l’abbaye de Saint-Maximin. Il est bâti dans le comté d’Aix, et est richement pourvu de biens et d’honneurs. Ce fut le sixième jour avant les ides de juin que saint Maximin mourut et fut heureusement couronné dans le ciel. »
Cité par Faillon dans ses « Monuments inédits. »