La translation des reliques de saint Lazare à Autun IXe siècle.

Extrait de « Saint Lazare, premier évêque de Marseille »

Marcel Chappe. 1982.

Etablissant la liste des évêques de Marseille dans « Armorial et Sigillographie des évêques de Marseille », en 1884, le chanoine Albanès écrit, au sujet de l’évêque Babon (870) : Sous les faibles successeurs de Charlemagne, toute sécurité avait disparu en Provence, et les sarrasins et les normands l’envahissaient à tout instant. Marseille fut prise et pillée. Le comte Gérard enlevait nos reliques. Saint Roland, archevêque d’Arles, tombait victime des pirates ». Quelles étaient donc ces reliques si précieuses, au point que notre historien s’est vu obligé de signaler leur enlèvement, tout en ne les nommant pas, tellement elles faisaient partie du patrimoine marseillais. C’était « nos reliques ». Nous allons rapidement le voir.

Par ailleurs, en 1040, après la restauration de l’abbaye de Saint-Victor, totalement rasée à la suite de l’invasion normande de 860, le pape Benoît IX rappelait « qu’autrefois » cette abbaye avait possédé « les passions des saints martyrs Victor et ses compagnons, et spécialement de deux autres : Hermès et Adrien, et aussi de saint Lazare, ressuscité par Jésus-Christ ». Donc, d’un côté, Albanès nous fait assister à l’enlèvement des reliques, vers 870, nous indique aussi Faillon, précisant la date et aussi la personnalité du comte Gérard de Roussillon, avec une autorité incontestable. Par ailleurs, en 1040, Benoît IX nous rappelle que l’abbaye les avait possédées. Ces reliques étaient donc celles de saint Lazare.

Qu’étaient-elles donc devenues, 170 ans seulement séparant la date de leur enlèvement de celle du rappel de leur possession ? Elles avaient été transférées à Autun qui, à l’époque, faisait partie du Royaume de Provence : Bourgogne et Provence réunies sous un seul souverain, l’Empereur Lothaire. Ces reliques furent alors provisoirement placées dans la cathédrale Saint-Nazaire et Celse, en attendant d’être définitivement transférées dans l’actuelle cathédrale Saint-Lazare, qu’on commença à construire, et la translation se fit en grande pompe en 1147.

Une confirmation officielle de leur possession par l’Eglise d’Autun, fut la demande que lui fit l’Eglise d’Avallon de lui céder une relique de saint Lazare. Cette cession se fit sous Henri Ier, duc de Bourgogne, en l’an 1000, et c’est là le plus ancien document que nous possédions, touchant à ce transfert à Autun. Il est à remarquer que désormais, c’est à Autun qu’on s’adresse, et non à Marseille, pour obtenir des reliques. Et nous verrons par la suite plusieurs évêques en faire la demande. Au XVè siècle, une controverse naquit entre Autun et Avallon, au sujet de la relique cédée. Et ce fut Marseille qui fut appelé à trancher la question, étant donné que fut elle qui avait possédé le corps saint, et que c’était de chez elle qu’il avait été apporté à Autun.

Cependant, malgré cet enlèvement, des reliques de notre premier évêque existaient encore à Marseille. Nous voyons en effet l’évêque Raimond Ier, le 15 août 1122, procéder au transfert des reliques qu’il possédait, dans sa cathédrale reconstruite par l’évêque Pons II, et il y avait entre autres celles de :  « Sancti Lazari quem Dominus suscitavit ».

Mais quelles étaient ces reliques, puisqu’elles étaient parties à Autun ? Ce qu’il faut savoir, c’est que le clergé marseillais, éploré de se défaire d’un si précieux dépôt, substitua la tête de saint Lazare à une autre tête qui ne lui appartenait pas : c’est cette dernière que l’on voit aujourd’hui à Autun. Une réflexion : ce geste du clergé marseillais montre combien était vivant et permanent le culte des reliques de saint Lazare, avant 870. Et le fait de leur enlèvement par Gérard de Roussillon montre, lui aussi, le prix attaché à la possession de ces reliques par des diocèses autres que Marseille. C’est aussi le juste prix qu’il estima lui être dû, après avoir libéré les marseillais de leurs envahisseurs-pirates.

 

Et cette tête, retenue chez nous, c’est bien ce qui restait comme relique, puisque l’évêque Guillaume Letort, le 15 août 1399 « officia pontificalement dans sa cathédrale, en présence du roi Louis II, revenu de Naples, de son frère et de sa mère. Après la messe, on brisa les sceaux de la chasse dans laquelle était la tête de saint Lazare » pour montrer cette relique à la reine Marie et à ses deux fils. C’est Albanès qui nous l’indique. Par conséquent, c’est bien tout le corps qui était parti à Autun. La tête, seule, était restée à Marseille, grâce à une supercherie, et c’est cette relique qui avait été transférée par l’évêque Raimond Ier le 15 août 1122, dans la cathédrale reconstruite par Pons II.

Le 8 septembre 1444, l’évêque Barthélemy Rocalli fit aussi reconnaissance de l’ensemble de ces mêmes reliques, parmi lesquelles, celles de saint Lazare dont il vient d’être parlé.

Le 7 mai 1447, lors de son arrivée à Marseille, le nouvel évêque Nicolas de Brancas, reçut le Dauphin, plus tard Louis XI, en pèlerinage aux reliques de saint Lazare.

Le 9 janvier 1643, l’évêque Jean-Baptiste Gault, refusait toute réception solennelle, allait se prosterner dans sa cathédrale devant le Saint-Sacrement et les reliques de saint Lazare.

En 1727, Monseigneur de Belsunce, interrogé par Autun pour savoir si des documents existaient à Marseille au sujet de la translation, répondit que les archives ne remontaient qu’au XIIIè siècle, tout ayant été détruit par les sarrasins. Et il confirma la substitution du véritable chef de saint Lazare lors du transfert à Autun. Il obtint qu’on lui remit quelques petits ossements, et établit une fête particulière de leur translation au vendredi de la quatrième semaine de carême.

Par la suite, Monseigneur Eugène de Mazenod alla chercher à Autun une relique insigne de saint Lazare. Il fit, à cette occasion, un mandement dans lequel il rappelait le transfert des reliques à Autun. Rappelons qu’à l’instar de Marseille, Autun avait proclamé saint Lazare patron du diocèse. De plus il écrivit à l’évêque d’Orléans une lettre apologétique de la Tradition de Provence, dans laquelle nous relevons le passage qui nous intéresse particulièrement au sujet des Lieux saints de Provence : « Comment, s’ils sont faux, les faits dont il s’agit ont-ils pu être également admis avec un caractère religieux en tous ces endroits différents ? Comment est-il arrivé que se présentant sous un aspect particulier à chaque lieu, ils s’accordent parfaitement entre eux pour ne former qu’une même Tradition ? On ne pourrait dire avec preuve à quelle époque on a commencé à y croire, de manière à ce qu’une erreur pratique ait prévalu à leur égard, dans toutes les parties d’une grande Province ».

Eh oui ! les adversaires de nos Traditions sont dans l’impossibilité de nous dire à quel moment aurait commencé notre fausse croyance.

Pour en terminer avec nos évêques, le dernier porté par Albanès dans « Armorial et Sigillographie » c’est Monseigneur Robert, arrivé en 1878, et dont le dernier acte fut l’approbation d’un nouveau propre en 1882. Terminant ce prestigieux ouvrage, la reproduction de son magnifique sceau porte à la fois saint Lazare et saint Augustin. Saint Lazare étant le plus illustre des évêques du diocèse, saint Augustin de celui d’Hippone, qu’il venait de quitter. Et le 26 septembre 1884, l’achevé d’imprimer stipule :
« Sixième anniversaire de l’installation de Monseigneur Robert ».

Ainsi, avec l’histoire de nos évêques, malgré une très grande pénurie de documents, se trouve confirmé le transfert à Autun, et de ce fait, la possession antérieure à 870 du corps de saint Lazare, le ressuscité de Béthanie, le frère de sainte Marie-Madeleine et de sainte Marthe, donc la certitude de son culte depuis toujours à travers les âges et par conséquent depuis sa mort dans le martyre.

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